Les points chauds de la semaine 46 (2023)
Les "points chauds", c'est une sélection d'actualités climatiques qui ont marqué la semaine précédente. Retour sur la semaine du 13 au 19 novembre 2023.
UNE SEMAINE TRÈS ANORMALEMENT CHAUDE DANS LE MONDE
Depuis plusieurs mois, principalement sous l’effet conjugué du changement climatique et du phénomène naturel El Niño, la température moyenne de l’air à la surface de la Terre est complètement hors des clous. Après les mois de juin, juillet, août, septembre et octobre les plus chauds jamais enregistrés, novembre suit très exactement la même voie. Et même plus encore. La semaine dernière, l’anomalie de température a atteint des niveaux records, qui ont culminé les 17 et 18 novembre. Selon des données préliminaires du service européen Copernicus, issues de la réanalyse ERA5, la température mondiale de l'air à la surface le vendredi 17 novembre 2023 a dépassé pour la première fois un niveau d’anomalie supérieur de plus de 2°C à la moyenne de la période pré-industrielle (1850-1900). Ce franchissement inédit et momentané du seuil symbolique de +2°C s’est poursuivi le lendemain (estimation de +2.07°C le 17 novembre et +2.06°C le 18 novembre) avant que la température mondiale ne repasse en-dessous à compter du 19 novembre. Par rapport à la moyenne climatologique de référence, qui correspond à la période récente 1991-2020, l’anomalie a atteint +1.17°C le 17 novembre. Du jamais vu dans une année 2023 pourtant déjà brûlante. Directeur du service Copernicus sur le changement climatique, Carlo Buontempo a rappelé que le franchissement momentané du seuil de +2°C ne signifie pas la mort des objectifs de l’accord de Paris. Ceux-ci restent viables mais “plus nous dépasserons fréquemment ce seuil, plus les effets cumulés de ces manquements deviendront graves” a-t-il prévenu. “Le fait que cela se produise le mois même où les dirigeants du monde se réuniront pour faire le point sur les progrès accomplis dans le respect des engagements de l’Accord de Paris lors de la COP28 envoie un message très clair : le moment est venu d’agir définitivement pour lutter contre le changement climatique” a également commenté M. Buontempo.
LE BRÉSIL AFFECTÉ PAR UNE VAGUE DE CHALEUR EXTRÊME SANS PRÉCÉDENT
À l’instar de l’Amérique du Nord, de l’Asie centrale et d’une partie de la Sibérie et même de certaines zones de l’Antarctique, le Brésil fait partie des nombreux points très anormalement chauds observés à la surface du globe la semaine passée. Durant des jours, une grande partie du territoire du géant de l’Amérique latine a été concernée par une puissante vague de chaleur extrême, dont les effets ont également été ressentis en Bolivie et au Paraguay. Selon les données de l’Inmet, l’agence gouvernementale qui fait office d’équivalent brésilien de Météo-France, le Brésil a observé le 19 novembre sa température la plus chaude jamais enregistrée avec une valeur de 44.8°C relevée dans la petite ville d’Araçuaí située au bord de la rivière du même nom dans l’Etat du Minas Gerais (région sud-est du Brésil). Quelques jours plus tôt, la capitale Brasilia avait enregistré une température de près de 35°C, soit un à niveau record pour un mois de novembre. Avec jusqu’à 37.7°C, Sao Paulo a également battu son record mensuel de chaleur. En de nombreux endroits du pays, les températures nocturnes ont également atteint des niveaux historiquement élevés, parfois supérieurs à 30°C. À Rio de Janeiro, la température est localement montée jusqu’à plus de 42°C. The Guardian a notamment consacré un article à l’enfer vécu par les habitants des favelas, ces quartiers extrêmement pauvres constitués d’habitats précaires et qui correspondent aux zones les plus chaudes. Dans une station située dans la périphérie de Rio, la valeur de l’indice de chaleur (qui n’indique pas une température réelle mais une température ressentie en tenant compte de l’humidité) a atteint 58.5°C. Un niveau stupéfiant, qui représente un risque élevé pour la santé humaine, et qui similaire a celui relevé le 17 novembre dans l’enceinte du stade Nilton Santos de Rio où 60.000 personnes étaient réunies pour un concert de la chanteuse Taylor Swift. Dans ces conditions extrêmes, une jeune femme de 23 ans est décédée suite à un arrêt cardio-respiratoire. De nombreux malaises et des cas de brûlures ont également été rapportés. Le concert a par ailleurs été perturbé par les manifestations du public qui réclamait désespérément de l’eau. Face à cette situation, le concert qui devait se tenir le lendemain au même endroit a été reporté. "La sécurité et le bien-être de mes fans, des autres artistes et des techniciens doivent toujours être la priorité" a commenté Taylor Swift sur Instagram. L’artiste a dit être “dévastée” par la mort de la jeune femme de 23 ans.
LES TRÈS LOURDS IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA SANTÉ
Mercredi 15 novembre, la revue britannique The Lancet a publié les conclusions du rapport annuel du Lancet “Countdown”, une initiative de recherche internationale dédiée aux impacts du changement climatique sur la santé. Cette huitième édition s’est appuyée sur les travaux de 114 experts issus de 52 pays et agences des Nations Unies. Selon les principaux enseignements rapportés par Le Monde, le nombre de personnes de plus de 65 ans mortes à cause de la chaleur a augmenté de 85% depuis le début des années 1990. Il a été calculé que, sans le changement climatique, cette hausse n’aurait été que de 38%. Particulièrement vulnérables, les adultes de plus de 65 ans et les nourrissons de moins d’un an, connaissent désormais deux fois plus de jours de canicule par an comparativement à la période 1986-2005. Par ailleurs, en raison des vagues de chaleur et des sécheresses plus fréquentes, 127 millions de personnes supplémentaires, par rapport aux chiffres observés entre 1981 et 2010, étaient en situation d’insécurité alimentaire en 2021. Le rapport relève que la surface de terres touchées par la sécheresse extrême a augmenté de 29% depuis les années 1950. Moins vulnérables que les pays du Sud, les pays développés sont également exposés à des menaces croissantes. Aux Etats-Unis, la saison favorable à la transmission de parasites responsables du paludisme s’est ainsi allongée de plus d’un tiers depuis les années 1950. En Europe, en raison du réchauffement des mers, les eaux côtières propices au développement du Vibrio, une bactérie qui peut être responsable d’infections potentiellement mortelles, ont augmenté de 142km chaque année. L’océan Atlantique est particulièrement concerné. "(Le) réchauffement global de la température de surface de la mer sur l’Atlantique peut favoriser une dynamique forte des deux bactéries Vibrio pathogènes pour les humains, à savoir le Vibrio parahaemolyticus et le Vibrio vulnificus. Le risque est là" a confirmé Patrick Monfort, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des vibrions, au site Novethic. “La contamination des humains peut se faire de deux façons, en consommant des fruits de mer crus ou insuffisamment cuits, ou en exposant une plaie ouverte à de l'eau contaminée. Celle-ci peut alors s’infecter et peut mener à une amputation voire à une septicémie, c’est pourquoi on parle de bactérie "mangeuse de chair" pour le Vibrio vulnificus. Le Vibrio parahaemolyticus peut quant à lui provoquer des gastro-entérites” décrypte Novethic.
Le rapport a également estimé les effets d’une hausse de la température de 2°C d’ici à la fin du siècle, trajectoire pour l’heure optimiste en l’état des engagements climatiques des pays. À +2°C de réchauffement, le nombre de morts causées par la chaleur chaque année serait ainsi multiplié par 4,7 tandis que la probabilité de transmission de maladies infectieuses comme la dengue augmenterait de 37%. Marina Romanello, directrice exécutive du Lancet Countdown et chercheuse au University College London, a rappelé que “chaque tonne de CO2 que nous continuons d’émettre empire nos perspectives”. Dans une tribune publiée le 12 novembre sur le site du journal Le Monde, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et le Sultan Ahmed Al-Jaber, président de la COP28 et Vanessa Kerry, envoyée spéciale de l’OMS pour les changements climatiques et la santé, avaient mis en garde : “Si nous n’agissons pas, les changements climatiques conduiront bientôt à la submersion des systèmes de santé du monde entier”. Ils avaient rappelé que l’OMS estime qu’un décès sur quatre peut être attribué à des causes environnementales évitables et que “les changements climatiques exacerbent ces risques”. “Les changements climatiques posent une multitude de défis complexes en matière de santé, allant des phénomènes météorologiques extrêmes à la propagation des maladies infectieuses en passant par l’exacerbation des maladies chroniques. Nous ne pouvons les éviter par un vaccin ni les traiter par un antibiotique” avaient-ils prévenu, exhortant à une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre afin de respecter l’objectif de l’accord de Paris d’une hausse contenue du changement climatique à +1.5°C de réchauffement.
+ de détail : rapport 2023 du Lancet Countdown (rapport)
AVANT LA COP28, LE MONDE ENCORE À DES ANNÉES-LUMIÈRE DE TENIR LES OBJECTIFS DE L’ACCORD DE PARIS
+1.5°C de réchauffement à la fin du siècle ? La perspective demeure pour l’heure hautement improbable. Selon le rapport pré-COP du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) paru le 20 novembre, la planète est pour l’heure sur la voie d’un réchauffement de 2.5 à 2.9°C d’ici à 2100. Selon les experts, même dans le scénario le plus optimiste, “la probabilité de limiter le réchauffement à 1.5°C n’est que de 14%”. Ces derniers notent qu’aucun des pays du G20, les pays aux économies les plus développées de la planète (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie et UE) “ne réduit ses émissions à un rythme conforme à ses objectifs”. Pour rester sur la trajectoire d’un réchauffement contenu à +1.5°C, le PNUE appelle à une réduction de 42% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Soit une baisse de 22 gigatonnes d’équivalent CO2, un poids comparable aux émissions réunies de la Chine, des Etats-Unis, de l’Inde, de la Russie et du Japon. Un rapport publié précédemment par la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) montrait que les trajectoires actuelles mènent vers une baisse de 2% par rapport à 2019. Ce qui confirme un pic à venir des émissions de gaz à effet de serre durant la décennie en cours mais ce qui est surtout très largement inférieur à l’objectif de 43% de réduction identifié par les scientifiques du GIEC. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a plaidé pour que les Etats s’engagent à tripler la capacité d’énergie renouvelable et à planifier une élimination progressive des combustibles fossiles dans un délai clair à l’occasion de la COP28 qui s’ouvrira le 30 novembre prochain à Dubaï (Emirats arabes unis). “Les tendances actuelles entraînent notre planète vers une hausse de température sans issue de 3°C. Il s’agit d’un échec de leadership, d’une trahison des personnes vulnérables et d’une énorme opportunité manquée. Les énergies renouvelables n’ont jamais été moins chères ni plus accessibles. Nous savons qu’il est encore possible de faire de la limite de 1,5 degré une réalité. Cela nécessite d’arracher la racine empoisonnée de la crise climatique : les combustibles fossiles” a commenté M. Guterres en appelant les dirigeants à cesser de “traîner les pieds”.
+ de détail : rapport 2023 sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (rapport)
LES CONCENTRATIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ATTEIGNENT UN NIVEAU RECORD, CROISSANCE RECORD DE L’OXYDE NITREUX
À l’approche de la COP28, les rapports se multiplient. Le 15 novembre, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) a publié son bulletin annuel sur les gaz à effet de serre. Sans surprise, les concentrations de ces derniers dans l’atmosphère ont atteint des niveaux records en 2022. Pour la première fois, le CO2 (dioxyde de carbone), gaz à effet de serre qui contribue le plus au réchauffement climatique, a même franchi un cap avec des concentrations mondiales moyennes supérieures de 50% à celles de l’ère préindustrielle, de qui constitue une première. Avec environ 418ppm (parties par million), soit +2,2 ppm par rapport à 2021, le dioxyde de carbone atteint un niveau de concentration inconnu sur la planète depuis 3 à 5 millions d’années, selon l’OMM. La température mondiale était alors 2 à 3°C plus chaude et le niveau des mers plus élevé de 10 à 20 mètres. Les nouvelles ne sont pas meilleures concernant le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O), les deux autres principaux gaz à effet de serre, qui sont également en augmentation. Dans le cas de l’oxyde nitreux, la plus forte augmentation d’une année sur l’autre est même constatée entre 2021 et 2022. Très puissant gaz à effet de serre, le N2O, dont l’agriculture est la principale source anthropique d’émission, participe également à l’appauvrissement de la couche d’ozone. "Malgré des décennies d'avertissements de la communauté scientifique, des milliers de pages de rapports et des dizaines de conférences sur le climat, nous allons toujours dans la mauvaise direction", a déploré dans un communiqué le secrétaire général de l'OMM, Petteri Taalas.
+ de détail : 19e bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre (rapport)
LES IMPACTS CLIMATIQUES EN AGGRAVATION DANS TOUTES LES RÉGIONS DES ÉTATS-UNIS
Le géant américain face aux impacts d’un réchauffement dont il est l’un des principaux contributeurs. Selon le rapport du programme américain de recherche sur le changement climatique, publié le 14 novembre, les Etats-Unis subissent de plus en plus fréquemment les assauts de catastrophes naturelles de grande ampleur. Ces cinq dernières années, le pays a subi un événement de ce type toutes les trois semaines, contre une tous les quatre mois dans les années 1980. Entre 2018 et 2022, pas moins de 89 catastrophes climatiques, ayant coûté au moins un milliard de dollars en dommages, ont été recensées. Soit une facture salée d’environ 150 milliards de dollars chaque année. L’ensemble du vaste territoire américain est concerné. L’éventail des risques s’accroît et s’étend, depuis l’intensification rapide des ouragans venus de l’Atlantique aux incendies en passant par la sécheresse dans le Midwest et les pluies torrentielles dans le Nord-Est. Les ouragans demeurent sans surprise les catastrophes les plus coûteuses, à l’instar de Ian, qui avait coûté la vie à plus d’une centaine de personnes et causé 113 milliards de dollars de dégâts en Floride, territoire par ailleurs très vulnérable à la montée et au réchauffement des eaux. Cette année, la catastrophe composée qui a frappé Maui à Hawaï a été l’une des plus spectaculaires. Les incendies avaient entraîné la mort de près d’une centaine de personnes et une destruction massive de la ville de Lahaina. Si la saison des feux a été plus calme en Californie, le pays a du subir les conséquences d’une qualité de l’air extrêmement dégradée en raison des feux historiques qui ont frappé le Canada. Dans le sud, en Arizona, une vague de chaleur extrême et record a tué de nombreuses personnes vulnérables à Phoenix. En septembre, c’est un nouvel épisode pluvieux exceptionnel qui a frappé New York. Le rapport souligne à quel point certaines communautés, notamment les personnes de couleur et celles à faible revenu, sont frappées de manière disproportionnée par ces catastrophes.
"Nous savons que ces impacts exacerbent les inégalités sociales, notamment les disparités raciales et fondées sur le sexe. Et nous reconnaissons désormais que les solutions climatiques doivent également être des solutions en faveur de la justice et de l'équité", a commenté auprès du Washington Post la scientifique Katharine Hayhoe, l'une des auteurs du rapport. Lequel revient également sur les multiples impacts du changement climatique sur le pays, en matière de santé, de productivité agricole ou encore de biodiversité. Parmi les conséquences listées : les conditions météorologiques extrêmes encourageront la migration à l’intérieur du pays, ce qui pourrait affecter la politique de logement. Ces dernières années, les incendies, la montée des eaux et les inondations de grande ampleur ont déjà créé des déplacés au sein des Etats-Unis. L’aggravation des catastrophes dans d’autres pays devrait également accroître l’immigration vers les Etats-Unis. Au sud, le Mexique est ainsi de plus en plus accablé par la chaleur extrême. Malgré une mobilisation accrue de l’administration Biden, notamment en faveur de l’adaptation, le climatologue Kim Cobb juge dans le Washington Post que le pays reste largement mal préparé aux changements importants actuels et à venir.
+ de détail : 5e évaluation nationale du climat aux Etats-Unis (rapport)
ÉLECTION D’UN PRÉSIDENT CLIMATOSCEPTIQUE EN ARGENTINE
Dans le contexte dramatique d’une inflation démentielle, d’une population largement paupérisée et d’une défiance profonde envers la classe politique en place, les Argentins ont fait le choix du désespoir en s’en remettant au populisme. Dimanche 19 novembre, les électeurs de ce grand pays d’Amérique du Sud ont ainsi porté au pouvoir Javier Milei, élu président de la Nation au second tour avec 55,7% des voix et 3 millions de voix d’avance face au péroniste Sergio Massa qui était jusqu’à présent ministre de l’Économie. Se définissant comme “arnarcho-capitaliste”, M. Milei, qui a cultivé un ton “anti-système”, présente un profil détonant. Ultra-libéral, affilié à la mouvance libertarienne, l’homme souhaite remplacer le peso par le dollar et réduire, à défaut de pouvoir l’abattre, l’Etat à son plus strict minimum. Une vision incarnée par la célèbre tronçonneuse brandie tout au long de sa campagne et destinée à tailler drastiquement dans les pouvoirs publics. Il a déjà annoncé son intention de supprimer le ministère de l’Environnement, parmi de nombreux autres portefeuilles qu’il souhaite voir disparaître. Rien de très étonnant pour un homme qui se revendique climatosceptique. "Toutes ces politiques qui accusent l'Homme d'être responsable du changement climatique sont bidons, et la seule chose que ces politiques cherchent à faire est de collecter de l'argent pour financer des minables socialistes qui écrivent des articles merdiques", avait-il affirmé lors d'un débat le 8 octobre 2023, selon le média de vérification Chequeado, cité par GEO.
Interrogé en septembre au sujet des cours d’eau, M. Milei avait proposé de privatiser les rivières, en cohérence avec l’idée de laisser faire les marchés là où des politiques environnementales sont aujourd’hui nécessaire. “Une entreprise qui pollue la rivière, où est le préjudice ? Le problème ici est que le droit de propriété n’est pas clairement défini. Cette entreprise peut polluer la rivière autant qu’elle le souhaite. Savez-vous pourquoi ? Car on ne voit pas la globalité du problème, qui est l’abondance d’eau” avait-il déclaré lors d’un congrès économique. “Dans une société où l’eau est en excès et où son prix est nul, qui revendiquerait le droit de propriété de cette rivière ? Personne, car il n’y a aucun profit à en tirer. Que pensez-vous qu’il arrivera si l’eau commence à manquer ? Son prix ne sera plus nul. C’est alors que les entreprises verront l’intérêt économique à en prendre possession, et qu’un droit de propriété s’établira. Vous verrez comment la pollution cessera : ils négocieront la qualité de l’eau, trouveront des solutions, mais ils résoudront le problème” avait-il expliqué, selon des propos retranscrits par Le Grand Continent. Souvent comparé à Donald Trump et à Jair Bolsonaro, M. Milei n’aura toutefois pas leur latitude pour appliquer son programme. Minoritaire au Congrès, il ne dispose par ailleurs d’aucune assise parmi les gouverneurs et les maires du pays. Ce provocateur qui interloque les médias occidentaux devrait donc logiquement être condamné à faire des compromis.
L’élection d’un nouveau populiste anti-environnemental n’en demeure pas moins un choc. Javier Milei reprend un costume précédemment endossé par Donald Trump, qui avait sorti les Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, et par Jair Bolsonaro, le dirigeant brésilien d’extrême-droite qui avait fait exploser le taux de déforestation en Amazonie. Membre du G20 et des BRICS, l’Argentine n’est pas un nain, malgré son économie profondément sinistrée. Nation polaire, l’Argentine est impliquée en Antarctique. Les défis environnementaux sont également nombreux dans ce pays peuplé par un peu plus de 45 millions de personnes. 31e pays émetteur de CO2 au monde, l’Argentine dispose d’un important cheptel bovin et est pollué tant que par les activités minières que pétro-gazières. De 2019 à 2023, l’Argentine a connu une sécheresse historique. Le pays est aussi singulièrement concerné par la déforestation, la pollution de ses fleuves et cours d’eau, la dégradation des zones humides ou encore la fonte de ses glaciers, qui constituent une bonne partie de sa réserve d’eau potable.